Bonjour, j'ai deux questions et je serais ravie d'avoir un éclairage de votre part:
– le livre d'Henoch est cité dans l'épitre de Jude mais sait-on
exactement qui est ce "Jude"? Selon vous, doit on se fier à cet
épitre? car j'ai lu que son authenticité était remise en cause par les
historiens. Je lis un peu tout et son contraire et je ne sais pas vers
quelle source me tourner pour avoir des informations précises à ce
sujet
– même chose pour l'épitre de Clément de Rome qui lui ne fait pas
partie de la Bible, pourquoi a-t-il été écarté? Apparemment il fait
partie des premiers Pères donc pourquoi ne fait-il pas partie du Canon
? Car j'ai lu qu'il citait Judith
Je me pose des questions au sujet de la légitimité des ces livres qui
citent Henoch et Judith, doit-on s'y fier selon vous?
Je vous remercie infiniment pour toutes les informations que vous
partagez, notamment à travers vos vidéos sur YouTube qui sont
passionnantes. Je ne vous en voudrais pas bien sûr si vous n'aviez pas
le temps de répondre aux commentaires. En vous souhaitant une bonne
continuation 🙂
Bonjour,
L'auteur de l'épître de Jude se présente comme un certain "Juda" frère de "Jacob" (v. 1). Ces prénoms sont très courants : ce sont des prénoms de patriarches dans la Genèse et ils sont très populaires en Judée au début de notre ère.
La mention du frère est plutôt inhabituelle (en principe on donne plutôt son patronyme, c'est-à-dire le prénom du père). Le frère en question doit donc être un personnage important aux yeux des lecteurs, si bien qu'il pourrait s'agir de Jacques (littéralement "Jacob") frère de Jésus, auquel cas Jude serait lui aussi frère de Jésus (voir par exemple Matthieu 13,55 et Marc 6,3). De fait, c'est bien à ce Juda frère de Jésus que cette épître a été attribuée par la tradition chrétienne.
Cela ne veut pas dire que c'est bien lui qui en est l'auteur ; il se peut que l'épître ait été écrite par quelqu'un d'autre, et qu'elle a ensuite (ou immédiatement) été attribuée à Jude. On appelle cela un "pseudépigraphe" (ce terme désigne un livre écrit par un quelqu'un d'autre que l'auteur prétendu). C'est un phénomène courant, et de nombreux livres de la Bible pourraient être des pseudépigraphes.
Cela pose bien sûr la question de leur fiabilité, que vous soulevez à juste titre : faut-il exclure un livre sous prétexte qu'il n'a pas été écrit par l'auteur prétendu ? Ou bien faut-il avant tout s'intéresser à son contenu, peu importe qui l'a écrit ? Cette question divise les théologiens, mais aujourd'hui peu d'Églises sont prêtes à remettre en question l'inclusion ou l'exclusion de tel livre de la Bible. La tradition s'est imposée au fil des siècles : ainsi Jude est-il présent dans les Bibles catholiques et protestantes, mais Hénoch (auquel il accorde pourtant une autorité scripturaire) en est exclu.
Quant à Clément de Rome et d'autres auteurs chrétiens des générations suivantes, leurs écrits n'ont pas été intégrés en vertu de l'un des critères couramment invoqués selon lequel seuls les livres écrits par la première génération d'apôtres (ou sous leur contrôle) sont susceptibles d'être inclus dans la Bible. C'est d'ailleurs peut-être pour cette raison que certains livres ont été attribués à Jude, à Pierre, à Paul ou à tel autre apôtre : cela leur conférait une plus grande autorité et leur donnait une plus grande chance d'accéder au statut d'Écritures saintes.
Quoi qu'il en soit, je ne peux que vous encourager à lire ces écrits, qu'ils soient canoniques, apocryphes, pseudépigraphes ou patristiques : ils représentent un riche patrimoine littéraire et sont précieux pour étudier le christianisme naissant dans toute sa diversité.
Bonne lecture !
On Wed, Apr 3, 2019 at 10:55 AM :