Voici mon éditorial paru dans Réforme.
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Je n’ai pas foi en la science. Non pas que je méprise ou méconnaisse la chose ; depuis mes premiers travaux pratiques de chimie jusqu’à mon entrée en magistère de mathématiques, mon amour pour la science n’a fait que croître. Un amour hérité de mes parents et nourri par mes lectures bibliques : « Ouvre ton cœur à l’instruction et tes oreilles aux paroles de la science », lisais-je dans le livre des Proverbes, chapitre 23, verset 12. Mais alors, me direz-vous, si même la Bible en fait l’éloge, pourquoi ne pas avoir foi en la science ?
Revenons aux mathématiques. Lorsque j’affirme que 2 + 3 = 5, ce n’est pas une question de foi ; je peux démontrer cette proposition, qui constitue dès lors une information exacte, un savoir objectif. Je n’ai pas besoin qu’on me croie sur parole. Si la science demande d’avoir foi en elle, ce n’est plus de la science. Elle ne peut plus prétendre à la vérité. Elle entre au contraire dans le domaine de l’incertitude et de la spéculation – un univers dans lequel tout chercheur doit naviguer avec la plus grande prudence.
La tentation est pourtant grande de paraître sûr de soi. En amont de mes projets de recherche, je dois séduire des financeurs publics ou privés. En aval, je suis sollicité par des journalistes en quête d’une parole d’autorité. Dans les deux cas, j’ai l’impression de devoir rogner mon éthique scientifique. Quel paradoxe ! Dans des cas extrêmes, la science est prise en otage voire discréditée. Or, si je n’ai pas besoin d’avoir foi en elle, j’ai besoin d’avoir confiance en ceux qui la font.
Car la recherche scientifique mobilise toutes les qualités humaines. La créativité se conjugue à la patience pour imaginer une théorie qu’il faudra longuement vérifier. Ma fierté d’avoir repoussé les frontières du savoir sera vite tempérée par l’intégrité avec laquelle je devrai accueillir de nouvelles données qui infirment ma thèse. Combien de fois ai-je fait miennes les paroles du psalmiste : « Une science aussi merveilleuse est au-dessus de ma portée, elle est trop élevée pour que je puisse la saisir. » (Psaume 139, 6.) Ce verset exprime tout à la fois humilité et respect, ambition et admiration. Des ingrédients qui, ensemble, catalysent l’excellence scientifique.