Comme je l'ai expliqué ici, la langue maternelle de Jésus devait être l'araméen. Il devait aussi parler hébreu et grec, mais je ne vois guère de raison qu'il tienne une conversation avec ses disciples en grec. Quant à la prononciation exacte de ces langues anciennes, que ce soit l'araméen, l'hébreu ou le grec, elle nous est inconnue.
Il est important de garder à l'esprit que, du point de vue des sciences historiques, on sait bien peu de choses. Non seulement la prononciation de ces langues nous est inconnue, mais l'existence même de la plupart des personnages bibliques reste incertaine. Ainsi, concernant Jésus, même s'il y a des indices permettant de supposer qu'il a dû exister, cela ne signifie pas pour autant que toutes les paroles qu'on lui attribue dans les Évangiles (bibliques ou apocryphes) ont bel et bien été prononcées par lui. Par ailleurs, les Évangiles ont connu plusieurs phases rédactionnelles, un travail éditorial colossal, si bien que le texte que nous lisons aujourd'hui est justement cela, un texte écrit, une œuvre littéraire, et non une parole orale.
Ainsi la prière du Notre Père fait-elle partie de trois grands chapitres de l'Évangile selon Matthieu (chapitres 5 à 7) qui sont présentés comme un discours sur la montagne prononcé par Jésus. Mais si l'on étudie ce passage en détails, en le comparant aux autres Évangiles, on se rend compte qu'il s'agit en réalité d'une extraordinaire synthèse de l'enseignement de Jésus. L'auteur n'a pas transcrit mot à mot un discours de Jésus ; il a construit un texte littéraire.
Se pose dès lors la question des origines du Notre Père : est-ce la transcription mot à mot d'une prière que Jésus aurait enseignée telle quelle à ses disciples ? Ne serait-ce pas plutôt un condensé des thèmes que nous abordons dans nos prières ? Auquel cas, il est bien possible que la langue dans laquelle cette prière a été conçue soit le grec. Quoi qu'il en soit, le grec est à ce jour la version la plus ancienne dans laquelle le Notre Père nous est parvenu (contrairement à ce qu'on lit parfois à propos du syriaque). Il ne faut donc pas sous-estimer la version grecque du Notre Père au prétexte que Jésus parlait araméen. C'est un texte magnifique dont les subtilités linguistiques et philologiques n'ont pas toutes été décelées.
On Mon, Jan 18, 2021 at 11:14 PM
Bonjour Monsieur Langlois,
La philosophe Simone Weil récitait le Notre Père en grec ancien tous
les jours. Sa lettre au père dominicain J-M Perrin est lue en entier
dans cette vidéo de 30 minutes:
https://www.youtube.com/watch?v=PkCdACDhKs8
L’auteur de ce texte, sur ce site orthodoxe
http://religion-orthodoxe.eu/article-notre-pere-en-grec-59582725.html
met en avant des arguments pour dire qu’il est possible que Jésus
ait enseigné le Notre Père en grec.
Je m’interroge sur cette possibilité et sur la bonne prononciation
en grec ancien.
Pourriez-vous partager votre opinion là dessus ?
Je vous remercie.
Tres respectueusement,
Vos explications sur le « notre Père » suffisent à m’éclairer et à me conforter dans ma foi personnelle. Ainsi, les mots et paroles personnelles que je mets dans mes prières intimes, m’apparaissent avoir autant de poids,sinon plus, que des paroles ou textes reçus des temps anciens. Bien sûr,avec l’aide de repères,du notre Père,de l’histoire,des enseignements.Je peux au bout de plusieurs années, avoir mon propre dialogue,avec mes propres mots , avec ce que je conçois être DIEU, La raison et le cartésianisme ne sont pas la foi. Merci pour votre éclairage scientifique.Cher chercheur. Bon courage dans la continuation de votre ouvrage.Aldo Caliciuri PS/j’espère avoir été assez clair dans mes propos