Le verbe araméen סבך (SBK) signifie « être attaché » (ou « attacher » au causatif), un sens assez proche de l’hébreu.
Bien cordialement,
Michael Langlois
Bonjour monsieur Langlois
J’ai appris l’hébreu biblique il y a une
quinzaine d’année, tout
seul, avec des grammaires hébraïques …et avec
beaucoup de passion
et d’acharnement à l’étude ! Le résultat, c’est
que je peux lire
maintenant assez bien l’Ancien Testament dans la
BHS…et même
arriver à repérer les impuretés et
malhonnêtetés des traducteurs
(car aucune traduction n’est inspirée de Dieu
contrairement aux
textes originels, d’où justement mon besoin
d’avoir eu envie un jour
de tout revérifier par moi-même)Si des différences notables existent entre
l’hébreu et l’araméen,
il semblerait qu’elles ne concernent aucunement
les racines
trillitères primaires, que celles-ci sont à peu
près les mêmes en
hébreu et en araméen (hormis quelques petites
variantes littérales
insignifiantes). On le voit bien dans l’étude du
livre de Daniel :
une continuité sémantique lie les verbes
hébraïques aux verbes
araméens, et cette continuité ne s’est
probablement pas perdue à
l’époque de Jésus-Christ . Ce que je veux dire ,
c’est qu’une racine
verbale hébraïque vétéro-testamentaire donnée
n’ a pas pu
acquérir un sens « totalement » différent dans l’
araméen de la
Palestine de Jésus-Christ . Est-ce que je me
trompe?
Tout ce préambule pour vous poser enfin ma
question , à laquelle,
hélas, aucun site (aucun ! ) ne propose de
réponse rigoureuse et
sérieuse. Le verbe hébraïque sabakh
(samekh-beth-kaph) veut dire
« entrelacer », « empêtrer dans des branches ». Ce
verbe et ses dérivés
sont très rares (pas plus de 7 mentions de cette
racine dans tout
l’Ancien Testament ! ) et tous ils ne renvoient
nulle part ailleurs
qu’aux entrelacements du buisson et de la futaie.
Ma question est simple, monsieur Langlois: cette
racine
(samekh-beth-kaph) , très rare (à la limite de
l’hapax !) et dont le
sens dans l’Ancien Testament est clair et bien
déterminé,
aurait-elle pu en cours de temps se convertir en
un tout autre sens ,
signifier quelque chose de totalement différent
chez les
araméophones du premier siècle ?Je vous serais reconnaissant, monsieur Langlois,
si vous acceptiez de
m’apporter une réponse précise en votre qualité
de spécialiste de
l’araméen.Très cordialement
(1) Il correspond à la citation (Ps 22,2)
(2) Il correspond à la translittération grecque (qui n’a pas de chuintante)
(3) Il est infiniment mieux attesté de סבך (qui est inconnu à l’époque de Jésus)
C’est donc le verbe qui s’impose naturellement ici, et rien ne vient favoriser une autre lecture. Cordialement.
Le samedi 20 août 2016 :
Bonjour Mr. Langlois. Excusez-moi de vous importuner encore une fois (ce sera la dernière !) , mais pourriez-vous m’expliquer pourquoi c’est « shabaq » et non pas « sabakh »?
Cordialement
Le 19/08/2016 à 11:42, roland a écrit :Bonjour Monsieur Langlois Je vous sais gré d’avoir bien voulu répondre à ma question. merci beaucoup! Votre réponse , que je connaissais également , appelle donc une autre question : pourquoi alors tous les traducteurs connus (tous sans exception!) traduisent-ils de façon fausse Matthieu 27.46 ? Pourquoi ? Je reste à votre écoute. très cordialement.
Bonjour Mr. Langlois
Encore une fois, merci beaucoup de votre patient effort . Mais excusez moi d'insister encore un fois car je n'ai pas reçu de réponse à ma question. Je vous demandais une traduction de Matthieu 27.46 et non une traduction du psaume 22. Le psaume 22 ne saurait être pris en compte par un traducteur, car celui-ci fait un travail purement objectif et scientifique ; le traducteur a une déontologie qui lui est propre : il considère le nouveau texte qu'il a devant les yeux et le traduit objectivement , sans faire de commentaire, ni de parallèle, ni d'analyse théologique (je veux dire qu'un traducteur n'est ni un commentateur ni un exégète, ni un docteur, il ne saurait traduire le texte qu'il a devant les yeux par un autre texte) .
Par ailleurs, quel rapport a-ton réussi à trouver entre le verbe "azav" et le verbe "sabakh"? Ce rapport n'a jamais été attesté à ma connaissance ; en tout cas, j'ai cherché énormément, je n'ai rien trouvé . Avez-vous personnellement connaissance de ce rapport et comment vous a -t-il été attesté ? Cela m'intéresserait, Mr. Langlois .
Il reste encore les deux autres éléments que vous m'avez indiqués .
Le deuxième argument que vous m'indiquez n'en est pas un. Car, précisément, il ne milite pas en faveur de "shabaq"; il permet seulement de l'accepter comme "possible".
Il ne reste donc plus que le troisième élément . Et là je ne saisis pas bien ce que vous voulez dire. Pouvez-vous m'expliquer? Au temps de Jésus, le mot "sabakh" n'était pas connu par les rabbins de la Bible hébraïque ? Ils ne connaissaient pas l'hébreu de Genèse 22? Et si c'était le cas, Jésus, le Fils de Dieu, ne connaissait pas l'hébreu de Genèse 22?
Je vous reformule donc ma question. En pure objectivité, sans faire de parallèle avec d'autres textes de la Bible, en considérant uniquement le cri araméen de Jésus de façon objective, sans l' extrapolation du théologien …et indépendamment des artéfacts que l'on a découverts ainsi que de ceux qu'on n'a pas encore découverts : est-ce que "sabakh" (attaché, emmêlé) serait au moins POSSIBLE (je ne dis pas "obligatoire" , je dis seulement "possible") dans Matthieu 27.46? et si non, pourquoi ?
Je vous remercie encore une fois de votre patience . Mon âme a besoin d'une réponse claire et précise et je fais appel à votre éclairage de spécialiste d'araméen car je n'en connais nul autre .
Cordialement
Le verbe grec ἐγκαταλείπω signifie bien « laisser » (et certainement pas « réserver », y compris pour le verbe apparenté καταλείπω en Rm 11,4 = 1 R 19,18).
On peut « laisser » quelqu’un au sens de l’abandonner ou de l’épargner.
Ce verbe grec traduit parfaitement l’araméen שבק, mais certainement pas l’araméen סבך.
Je maintiens donc mon analyse philologique : le verbe araméen translittéré en Mt 27,46 est שבק et non סבך.
2016-08-22 11:26 GMT+02:00 :
Bonjour Mr. Langlois.
Je tiens à répondre très soucieusement à chacun de vos arguments.
Vous me confirmez donc bien ce que j’avais vu moi-même : sur le plan de la « translittération » grecque , sabakh est aussi « possible » que chabaq. Ce point-là est éclairci. Merci.
Vous me dites : » La phrase prononcée en araméen ne posait donc aucun problème à un araméophone. L’auteur de Mt 27,46 (ou sa source) connaissait l’araméen et en a donné à la fois une translittération …. » . Puisque la translittération des deux mots est la même , comment savez-vous que l’évangéliste a entendu « chabaq » et non « sabakh »?
A ce sujet, vous m’avez laissé une question sans réponse, que je me permets de vous rappeler :
Jésus pouvait-il connaître le « sébakh » hébraïque et le « sabek » grec de Genèse 22.13 ?
Pour ce qui est de la traduction grecque qui suit l’araméen, je ne vous aurais jamais posé cette question du sabakh , Mr. Langlois, si je n’avais pas auparavant étudié aussi la traduction grecque que fait l’évangéliste. D’ailleurs, comment avez-vous pu penser que j’aie oublié cela ! Après examen , il apparaît que le mot kataleïpo n’a pas, dans le Nouveau testament, que le seul sens de « laisser, abandonner ». Comme on le voit dans Romains 11.4, il veut dire aussi « réserver, retenir »…Et justement, cette signification là renvoie elle aussi, comme par hasard, à Genèse 22.13 : Christ a été « emmêlé », « attaché » à la croix parce que son Père l’avait « réservé » pour le grand sacrifice expiatoire , comme le bélier du mont Moriya.
Je ne prétends , comme vous vous le faites pour votre lecture , que ma lecture est « obligatoire ». Je considère seulement qu’elle apparaît « possible ». D’autant plus qu’elle résout un problème majeur (et même plus d’un!): le problème de l' »abandon », totalement impensable ! (Yahvé ne peut s’abandonner lui-même, Yahvé ne peut briser son indéfectible unité )
Reste à régler aussi , sans contester le moins du monde le texte biblique inspiré, un autre problème majeur: la forme « interrogative » utilisée par les traducteurs. Quelle que soit la traduction choisie (« abandonné » ou alors « attaché »), il est impensable que Christ, le Messie, qui connaissait depuis toujours sa mission et le sens de sa mort, qui savait parfaitement pourquoi il était venu et quand « son heure » arriverait, il est impensable donc que Christ pose ce type de question à son Père .
Or, les grammaires hébraïques disent que le pronom interrogatif « ma » peut occasionnellement faire office de pronom démonstratif . Ce n’est pas moi, ce sont les grammaires qui le disent. Le cri araméen de Jésus pourrait donc aussi être une simple affirmation : « pour cela tu m’as emmêlé ». Et la traduction grecque qui le suit (dont les petits pronoms ne sont pas vraiment assurés par les hellénistes -j’ai vérifié- peut aussi renvoyer au pronom démonstratif : « pour cela tu m’as retenu « .
Encore une fois, je ne prétends pas que cette lecture est obligatoire. Je dis seulement qu’elle est « possible », qu’une remise en question mérite au moins d’être engagée . Pour trois raisons:
1) elle résout deux problèmes majeurs :
– celui de la désintégration ( même ponctuelle) de Yahvé , impensable selon l’enseignement des Ecritures (Jonas, grande figure typologique de Christ, n’a jamais été un seul instant « abandonné », « laissé » par Yahvé ni dans son navire, ni dans son plongeon, ni dans son poisson !)
-celui d’un Christ qui s’interrogerait sur son sort (impensable également !). Que David, lui, s’interroge sur son sentiment d’abandon, oui, mais par Christ!
2)elle permet de lier étroitement et profondément l’Ancien et le Nouveau testaments, les événements de Genèse 22 et de la Croix (les correspondances sont inouïes!). Le cri, poussé à voix haute, avait pour dessein de renvoyer les Judaïstes de l’auditoire à l’événement de Genèse 22.
3) elle enrichit la teneur de Matthieu 27.46. La version grecque donnée par l’évangéliste après l’araméen fait plus que seulement traduire; elle ajoute un plus à la phrase araméenne, elle apporte un commentaire puissant : christ a été « attaché » parce qu’il était « réservé » depuis toute éternité pour le grand sacrifice d’expiation
Mr. Langlois , que pensez-vous, objectivement (sans invoquer la position officielle et reconnue par les institutions ) de mon analyse personnelle ?
Je suis ouvert à toutes vos réponses et objections (j’y réponds soucieusement, comme vous l’avez vu), à condition qu’elle soient soigneusement argumentées. Surtout, je vous en prie, n’invoquez ni la position de la majorité, ni une position « officielle » , car j’ai toujours su que la position de la majorité et la position officielle n’ont jamais été des arguments suffisants et dignes de confiance. Et surtout ne sous-estimez plus mes connaissances, ni mon souci de cohérence , je ne suis pas un débutant en matière de Bible, très loin de là ! (et l’Ancien testament est justement mon domaine de prédilection) .
Cordialement
• L'hébreu ou l'araméen סבך ne sont jamais traduits par ἐγκαταλείπω, ce qui n'est guère surprenant puisque ἐγκαταλείπω et סבך n'ont pas du tout le même sens.
• Le verbe araméen translittéré et traduit en Mt 27,46 est de toute évidence שבק et non סבך.